de bonnes raisons de mourir
Roman

De bonnes raisons de mourir de Morgan Audic

Il y a trois types de thrillers sur le podium de mes lectures favorites. Les histoires en huis-clos, les romans qui tabassent, avec de l’hémoglobine, de la baston, du glauque et enfin les thrillers qui me font voyager et m’enrichissent culturellement.

Alors quand j’ai vu que le petit dernier des éditions Albin Michel était un thriller policier nous propulsant dans les paysages désertiques et malades de la région de Tchernobyl et que de surcroît l’auteur était un compatriote rennais… Je n’ai pas réfléchi plus de 30 secondes avant de me procurer ce livre.

Morgan Audic est professeur d’histoire-géographie dans un lycée rennais. De bonnes raisons de mourir est son second roman.

4ème de couverture

Un cadavre atrocement mutilé suspendu à la façade d’un bâtiment.
Une ancienne ville soviétique envoûtante et terrifiante.
Deux enquêteurs, aux motivations divergentes, face à un tueur fou qui signe ses crimes d’une hirondelle empaillée.
Et l’ombre d’un double meurtre perpétré en 1986, la nuit où la centrale de Tchernobyl a explosé…

Un polar terriblement efficace

Ce thriller policier débute de manière assez « classique ». Un cadavre est retrouvé suspendu à un bâtiment avec des traces de torture sur l’ensemble du corps. Classique… si ce n’est que ce bâtiment est au cœur Pripiat, une ville fantôme située à seulement quelques kilomètres de l’ancienne centrale de Tchernobyl (on y revient dans la seconde partie de la chronique).

Par bien des aspects, ce meurtre sera très vite relié à un précédent crime survenu plus de 30 ans auparavant la nuit où la centrale a explosé. S’en suit une enquête (ou plutôt une course contre la montre et contre la mort) où les policiers comprendront que ce « tueur à l’hirondelle » semble être intimement lié à cette nuit apocalyptique.

L’enquête est totalement maîtrisée. Aucun temps mort. Les codes utilisés sont des classiques du thriller policier. Mais quoi de plus efficace qu’une enquête vive et déroutante ? La particularité et la force de ce polar tient dans le fait que les investigations sont menées par deux enquêteurs en parallèle. Mais ces deux policiers ne se connaissent pas et ne travaillent pas ensemble. Deux enquêtes simultanées, deux motivations bien différentes pour débusquer ce tueur fou. L’alternance des deux trames est très bien orchestrée et le rythme m’a tenu en haleine du début à la fin. L’auteur n’épargne personne, ni le lecteur, ni ses personnages et nous amène inexorablement vers un final explosif, percutant et émouvant.

La mère patrie

Au-delà de son excellente trame policière, De bonnes raisons de mourir nous offre au passage un dépaysement des plus complets. Oui, vous connaissez l’histoire de la centrale de nucléaire de Tchernobyl. Vous savez qu’en 1986 le cœur d’un des réacteurs est entré en fusion et que le pire s’est produit. Vous savez qu’un nuage de particules radioactives s’est répandu sur le reste de l’Europe. Mais savez-vous ce qu’il est advenu des populations qui vivaient dans la zone contaminée ? Savez-vous qu’elles sont les répercutions actuelles, le quotidien des habitants de cette région ? C’est pire, bien pire que ce que j’aurais imaginé…

Morgan Audic pose le cadre de son intrigue en Ukraine, ce pays qui, au moment du drame de Tchernobyl, faisait encore partie de l’immense bloc soviétique. De la puissante et terrible URSS. A travers ce roman, j’ai découvert en détail un pays profondément meurtri sur lequel plane encore l’ombre de « La mère Patrie ». Ces dernières années ont vu l’Ukraine secouée par une guerre civile, notamment dans la région de Crimée, où se sont affrontés les séparatistes voulant se rallier à la Russie et les pro-européens souhaitant garder une Ukraine unie et forte au sein de l’Europe. C’est un pays au contexte géopolitique extrêmement compliqué où l’alcool, la corruption et la pauvreté sont encore légion. Un très bon choix de la part de l’auteur pour ce décor qui décuple la force et l’atmosphère presque toxique de ce roman.

J’ai été complètement envoûtée par le décor et ce pays que je ne connaissais finalement très peu. Décrite en détail, la zone d’exclusion de Tchernobyl et de ses alentours est tout simplement hypnotisante. Une région désertique, privée de toute vie humaine où le destin de milliers d’hommes et de femmes a basculé en l’espace d’une nuit. Un paysage de mort, empoisonné, irradié pour encore des milliers d’années. J’ai appris énormément de choses à la lecture de ce roman. J’ai découvert des faits historiques totalement pétrifiants, des anecdotes glaçantes et des répercussions jusqu’à nos jours au-delà de l’imaginable. Rassurez-vous, ce n’est pas un manuel d’histoire que nous propose Morgan Audic. Tous les éléments historiques ou descriptifs sont distillées avec parcimonie et servent toujours l’intrigue, la compréhension du lieu ou le vécu des personnages.

Le tout-terrain dépassa un grand crucifix orthodoxe et soudain, le dosimètre de Novak se mit à crépiter furieusement. Son cadran affichait l’équivalent d’une année de radiation à Moscou ou à Kiev. Planté près de la croix, un panneau triangulaire rouge et jaune indiquait une zone hautement contaminée. Une fournaise radioactive saturée de césium , de strontium ou de plutonium.

En bref

Que dire de plus. C’est pour des romans comme De bonnes raisons de mourir que j’aime autant la lecture. Tout en étant divertie par une enquête policière dont les ficelles sont tirées à la perfection, j’ai pu découvrir une autre facette de l’Europe et de son histoire. Ressortir enrichie d’une lecture en refermant la dernière page, c’est un sentiment que j’apprécie par dessus tout. Il ne m’aura fallu que deux petits jours pour engloutir les 500 pages de ce roman. Je ne vous fais pas un dessin… C’est un grand, un énorme OUI et je ne peux que vous encourager à découvrir ce livre passionnant.