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Roman

Dynamique du chaos de Ghislain Gilberti

Après un bien bref égarement en littérature blanche qui, il faut le dire, m’a convaincue que ce registre n’était définitivement plus pour moi, j’ai cherché dans ma PAL l’antéposé de ce truc « gnangnan » que j’avais eu entre les mains. Ring est une valeur sûre, Ghislain Gilberti est une valeur sûre. Alors j’ai plongé dans cette Dynamique du chaos avec un besoin avide d’émotions brutes, de noirceur pure. J’y ai trouvé bien plus que ça.

Dans cette chronique, je vous parle de Dynamique du chaos, le premier roman de Ghislain Gilberti. D’abord mis en ligne en version gratuite, mais épurée, sur Internet, il sera ensuite officiellement publié en 2017 aux éditions Ring. Avant de passer à la suite, il est je pense nécessaire de préciser que ce roman noir est en immense majorité autobiographique.

4ème de couverture

Gys, un jeune homme au passé agité, va jusqu’à l’impensable pour oublier sa séparation. Rapidement, il cède à l’ivresse nerveuse des transgressions aux côtés de ses trois amis de la  » Génération Nada  » : avec eux, il écumera bars et clubs de tous les excès, traquant le chaos qui lui permettra de mieux voir le monde. Il ignore qu’au loin, un train fou fonce déjà sur lui. Le monstre d’acier s’appelle Séverine. 

Plongée au coeur de la nuit

Gys approche de la trentaine mais sa vie est loin d’être la routine de « Monsieur et Madame tout le monde ». Sans emploi depuis 6 mois suite à la fermeture de l’usine dans laquelle il travaillait à Belfort, il a succombé aux vices de la vie nocturne. Avec Manu, son coloc, leurs journées commencent à la tombée du jour pour s’achever aux premières lueurs de l’aube. Durant ces quelques heures de nuit, chaque jour, le même schéma se répète : alcool, poudre, ecsta, joints, des clopes comme Gainsbourg n’aurait jamais pu en enchaîner et du sexe. Beaucoup de sexe. Brut, animal, mécanique. Entre les bars, les boites et les free-party, la vie belfortine de Gys se résume à une lente et inexorable déchéance sociale, physique et psychologique.

La nuit, tous les vices sont permis. Depuis que Gys a rompu avec Séverine, l’amour de sa vie, sa « Furie », son âme soeur, il comble comme il peut le manque en se trouvant presque chaque soir une nouvelle fille écervelée prête à écarter les cuisses dans une déshumanisation totale.

Mais derrière le voile de la défonce, Gys est lucide. Conscient de sa chute inexorable. Il sait que sa course folle à l’oubli n’est qu’un leurre, que sa fuite est à contre-courant et que son amour pour Sev le ramènera toujours dans ses bras, encore un peu plus prêt de sa perte.

La mort par l’amour

C’est à la fois terrible et magnifique d’imaginer deux êtres qui s’aiment si fort au point qu’ils se détruisent sans rien pouvoir y faire. Gys et Sev sont deux aimants toxiques dont la polarité s’inverse régulièrement. Attraction, répulsion. Sev est la fille honteuse d’une famille bourgeoise. Camée jusqu’au bout des ongles, elle rejette en bloc cette société conformiste et usée. Ces accès de colère et de folie son légendes. Mais parfois, le train va trop vite et il déraille.

Après une énième dispute qui aurait pu virer au cauchemar Gys est parti. Mais l’un et l’autre savent qu’ils ne peuvent pas survivre à ce manque. Les semaines ont beau s’écouler, le vide est là. Lorsqu’un soir ils se croisent au détour d’une free-party, l’attraction est plus forte que tout et le processus d’auto-destruction va renaître de ces cendres.

Cette histoire m’a vraiment remuée les tripes. Cet amour est tétanisant, la passion et la destruction transpire au travers des pages. Rappelez-vous que 99% de ce roman est autobiographique. Je ne peux qu’être soufflée par le courage de Ghislain Gilberti d’avoir su mettre les mots sur cette période si sombre et difficile de sa vie. Je comprends à quel point cette écriture a dû être douloureuse et cathartique pour lui.

La beauté du noir

Le prochain que j’entends dire que la littérature noire est trop populaire et que le style est trop simpliste je l’enferme dans une pièce en le forçant à lire ce bouquin. Car malgré l’extrême noirceur du propos, la plume de Gilberti est tout simplement sublime (comme pour chacun de ses romans en fait..). Une prose sombre et suffocante mais extrêmement travaillée : parfois touchante, parfois cynique, parfois percutante.

Alors oui, c’est violent, ultra-violent même. Oui certaines scènes, de sexe notamment, dépasseront pour certains les limites du lisible. Mais, merci à Ring d’offrir à ses auteurs une liberté totale exempte de toute censure. Pourquoi occulter la véracité d’un récit aussi violent soit-il ? (D’ailleurs je comprends mieux maintenant d’où viennent tous ces personnages de La trilogie des ombres).

Un récit sans filtre, porté par une plume aiguisée, c’est ça dont j’avais besoin. Une histoire d’une violence brute, des « personnages » profondément humains sous le voile de drogues et de débauche qui les animent. Une histoire dure mais tellement sincère, écrite avec les tripes pour nous les remuer les tripes, à nous autres lecteurs, confortablement assis dans notre canapé.

Cette fille est instable, perturbée, polytoxicomane, sociopathe, violente, cycloïde, imprévisible. Comme je ne suis pas très loin non plus de ce tableau alarmant, la conjugaison de nos défauts et excès tend à composer un cocktail explosif très dangereux. Sev et Gys, c’est Bagdad, Beyrouth, la Bande de Gaza, les quartiers chauds de Bogota, Las Vegas, Ibiza, Goa, Koh Pangan, le tout mélangé, concentré dans nos bouches liées, dans chaque baiser, dans chaque coït, sous chaque caresse.

En bref

J’ai lu ce livre d’une noirceur extrême d’une seule traite. Plusieurs heures de plongée en Enfer. J’ai refermé le roman les yeux à vif et l’âme en miettes. La fin du livre m’a brisé comme rarement un roman a su le faire. J’ai eu besoin de sortir prendre l’air, de respirer à pleins poumons pour remettre de l’ordre dans mes idées et me sortir de cette apnée émotionnelle.

Merci Ghislain pour avoir partagé cette histoire avec nous, merci David pour lui avoir fait confiance. Mais bon, je lis quoi moi après ça ? Parce que clairement à côté tout va me paraître bien fade.

A découvrir de toute urgence si ce n’est pas déjà fait !

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