Roman

Iboga de Christian Blanchard

Ma première rencontre avec Christian Blanchard s’est faite il y a quelques mois avec la lecture de son dernier roman Seul avec la nuit. J’avais été marquée par la puissance de son écriture et surtout de la prise de conscience qu’il insufflait au travers de ses personnages. J’ai donc renouvelé mon expérience avec l’un de ses précédents romans Iboga, qui prend place dans l’univers carcéral.

4ème de couverture

Le verdict est tombé. Jefferson Petitbois, dix-sept ans, sera exécuté. Dans le couloir de la mort, l’attente s’éternise jusqu’à ce que la grâce présidentielle transforme la peine en prison à perpétuité. Jeff se retrouve enfermé dans une cellule avec pour seule compagnie les matons, les fantômes de ses victimes et celui de Max. Son seul protecteur. Celui qui l’a initié à Iboga. Celui qui a fait de lui un meurtrier. Qui est-il vraiment ? Une victime ? Un monstre ? Ce livre raconte la vérité… La vérité selon Jefferson Petitbois.

L’enfer est entre 4 murs

Jefferson Petitbois à 17 ans quand il est condamné à la peine de mort. En 1980, en France, la peine capitale par guillotine est toujours en vigueur. « La Louisette », comme l’appelle les détenus, continue de trancher les têtes. Mais l’élection présidentielle approche et le combat Giscard/Mitterrand va justement se jouer sur l’abolition de la peine de mort. Quelques mois plus tard, Jefferson est gracié et voit sa peine transformée en réclusion à perpétuité. Commence alors le véritable enfer, celui de l’enfermement jusqu’à la mort.

Christian Blanchard, nous offre une vision ulcérante des conditions de détention tant sur le plan physique que psychologique. Il pose aussi la question du racisme dans le milieu carcéral. Certaines scènes sont d’une violence psychologique difficilement soutenable et m’ont serré la mâchoire bien plus d’une fois.

Cependant, l’auteur n’est pas dans le jugement, il ne cherche pas à soulever un sentiment de culpabilité, loin de là. C’est à nous, lecteurs, de nous forger notre propre opinion. D’ailleurs au début du roman, on ne connait pas en détail les raisons qui ont conduit Jefferson à la prison. On sait qu’il a tué, mais le comment et le pourquoi viendront petit à petit.

Le maître du crime

Au fur et à mesure que les chapitres égrainent les années et les décennies d’enfermement de Jefferson, ce dernier nous livre peu à peu son histoire. Celle d’un bébé abandonné, baladé de foyers en foyers qui finira par tomber sur l’homme qui va changer sa vie : Max. J’ai beaucoup aimé la manière dont est traité ce personnage secondaire. Un peu comme une ombre, Max est celui qui a amené Jefferson vers l’obscurité et le crime. En l’initiant à des drogues hallucinatoires anciennes il a révélé le pire en lui.

L’auteur éveille en nous des interrogations sur la responsabilité morale des condamnés. Dans le cas présent, Jefferson est coupable, mais n’est-il pas aussi une victime ? Victime d’un homme qui l’a utilisé, manipulé, drogué pour en faire son arme. Au lecteur de se faire son avis.

J’aurais préféré passer sous le couperet de la guillotine. La douleur aurait été plus douce. En une fraction de seconde je serais passé de la lumière aux ténèbres sans en avoir conscience. Bien sûr, il y avait la souffrance de l’attente et la peur des derniers instants. Les tourments que j’endure depuis sont pires parce qu’ils ne s’arrêtent jamais. Ils continueront jusqu’à ma mort.

En bref

Iboga est une lecture coup de poing qui nous met dans la peau d’un homme qui ne reverra jamais la lumière du jour. J’ai terminé le livre avec un sentiment d’angoisse, presque une claustrophobie après ces 300 pages passés en compagnie de Jefferson Petibois dans sa cellule. J’ai eu envie de prendre l’air, de respirer à pleins poumons et surtout de savourer cette chose si précieuse qu’est la liberté. Décidément, Christian Blanchard a un immense talent pour nous dépeindre des aspects de la société assez obscurs pour la plupart d’entre nous. Je recommande !