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Roman

Le Manufacturier : un thriller incroyable et mémorable

Je vais vite lever le suspens sur cette chronique. Je me suis pris une claque à la lecture de ce roman. Et pas une petite hein ! Non non une vraie claque littéraire où on se dit qu’il y aura un avant et un après cette lecture. J’aurais à présent un nouveau référent dans l’univers du thriller policier et il s’agit de Mattias Köping. Je n’ai cessé d’entendre parler du Manufacturier depuis des semaines dans la blogosphère littéraire et maintenant je comprends mieux pourquoi…

Il s’agit du second roman de Mattias Köping. Son premier « Les démoniaques« , fût acclamé par la critique à sa sortie en 2016. Ici l’auteur confirme son talent avec une histoire à vous glacer le sang et à vous faire remonter votre dernier petit-déjeuner.

4ème de couverture

Le 19 novembre 1991, une poignée de paramilitaires serbes massacrent une famille à Erdut, un village de Croatie. Laissé pour mort, un garçonnet échappe aux griffes des tortionnaires, les Lions de Serbie. Un quart-de-siècle plus tard, l’avocate Irena Ilic tente de remonter la piste jusqu’à la tête du commando, le sinistre Dragoljub.

Le 1er avril 2017, les cadavres d’une femme et de son bébé sont retrouvés dans la banlieue du Havre, atrocement mutilés. Niché dans le dark Web, un inconnu sous pseudonyme revendique le double meurtre et propose les vidéos de ses crimes à la vente sur son site Internet… Depuis quand sévit-il ? Prêt à transgresser la loi, le capitaine de police Vladimir Radiche s’empare de l’affaire qui sème la panique sur le pays, au risque de voir l’inimaginable s’en échapper.

Les deux investigations vont se percuter avec une violence inouïe. L’avocate et le flic ont des intérêts divergents et sont prêts à se livrer une guerre sans merci. Emportés dans l’abîme du terrifiant conflit yougoslave, les enquêteurs évoluent dans un vertige noir, gangrené par la violence et la corruption, où les plus pourris ne sont peut-être pas ceux que l’on croit. Crimes contre l’humanité, meurtres en série, fanatismes religieux, trafics entre mafias sans scrupules, l’étau se resserre au fil des chapitres. Les égouts de l’Histoire finiront par déborder, et vomir des monstres trop vite oubliés. N’ayez pas peur. Oui, il y a tout cela dans Le Manufacturier. Non, il n’y a pas d’autre issue.

3 vies, 3 histoires, 1 chemin

Durant quasiment toute la première partie du roman, nous suivons avec délectation plusieurs histoires qui d’apparence n’ont pas grand chose en commun. D’un côté nous avons le Capitaine Radiche exerçant à la police criminelle du Havre. Un flic détesté de tous pour ses manières douteuses et son caractère insupportable. Il est surnommé « Zéro » par tous ses collègues à cause de son crâne chauve et surtout de son cruel manque d’empathie. Avec les policiers de la brigade des stupéfiants, il s’apprête à démanteler l’une des filières de drogue les plus prolifiques du Havre.

Sur une autre storyline, nous faisons la connaissance de Milovan, un croate arrivé en France 20 ans plus tôt comme réfugié. Traumatisé par le massacre de sa famille pendant la guerre de Yougoslavie, il souffre de terreurs nocturnes depuis son enfance. Il décide, sur les conseils de son père adoptif, de prendre contact avec la célèbre Irena Ilic, une avocate spécialisée dans les crimes de guerre contre l’humanité. Enfin, vous croiserez au fil des pages un certain « Viciouspig », un hacker obèse et pervers qui passe ses soirées dans sa cave à visionner des vidéos de meurtres atroces sur le Dark Web. Son site favori : celui du Manufacturier. Jamais un tel niveau de torture, de violence et de besoin de faire souffrir n’avait été mis en ligne sur internet. Et tous les meurtres du Manufacturier sont bels et bien réels.

Au début, après une vingtaine de chapitres, je me demandais encore comment tout ce joli petit monde allait bien pouvoir quelque chose en commun, une route mutuelle, comment la collision promise sur la quatrième de couverte aurait lieu ? Si j’avais su…

Une construction parfaite

S’il y a une chose qui joue énormément sur mon appréciation d’un thriller, c’est la longueur des chapitres. Trop long et j’ai l’impression de n’avoir aucune accroche, aucune relance. Trop court et je me sens comme un poisson qu’on cherche continuellement à ferrer avec un cliffhanger. Dans Le Manufacturier, la longueur, le tempo et l’enchaînement des chapitres et des événements sont maîtrisés à merveille. Chaque chapitre commence comme un journal de bord avec le lieu, la date et l’heure. Comme un rapport de police qui nous serait raconté sur près de 600 pages. J’ai été happée par la construction parallèle des différentes histoires. Cette alternance des récits des personnages au fil des chapitres a contribué à donner un rythme parfait à ce roman. Pour le lâcher et aller dormir il faut vraiment être vraiment très fatigué.

Si j’ai autant été conquise par ce livre, c’est également grâce à sa narration particulière pour un thriller. Vous aussi, comme moi, vous devez être certainement habitués à ce jeu du chat et de la souris entre l’auteur et le lecteur. On se demande qui est le tueur, on fait des suppositions, l’auteur les balaie et finalement on découvre la véritable identité du meurtrier à la toute fin ou presque. Ici, Mattias Köping fait un véritable pied de nez à cette construction habituelle du polar. Les révélations ne sont pas concentrées à la fin mais tout au fil de lecture. Sans qu’on s’y attende, l’auteur nous assène des révélations, des vérités toutes plus brutales les unes que les autres.

Quand on croit tout savoir, avoir tout compris, bien cernés les personnages, une autre révélation survient, plus violente encore. Et nous petit lecteur, on doit continuer de lire et d’avancer en se demandant comment est-ce possible de sombrer toujours plus dans l’horreur ? A chaque fois on ne voit rien venir, c’est une petite phrase, presque un sous-entendu qui nous laisse estomaqué, qui nous scie les jambes. Il m’est arrivé de relire plusieurs fois certaines lignes pour être bien sûre de ce que je venais d’apprendre : « Non mais attends j’ai rêvé là ?! C’est pas possible c’est pas ça ?! »

Une plongée historique dans les atrocités de la guerre

Je vais être honnête, la dernière fois que j’avais lu le nom de Slobodan Milošević, c’était en Terminale quand je révisais le bac. La guerre de Yougoslavie a toujours été une période de l’histoire plus ou moins obscure pour moi bien que relativement récente. Ici, non comptant de lire un thriller passionnant, j’ai mieux compris les événements de cette guerre qui a ravagé l’Europe de l’est à la fin du siècle dernier. Au travers de la fiction, Mattias Köping nous emmène dans les horreurs d’une guerre qui a opposé Serbes et Croates pendant 4 ans entre 1991 et 1995. Une guerre violente, ignoble ou les pires crimes contre l’humanité ont été commis aussi bien contre les militaires qu’envers les civils. Hommes, femmes, enfants, personne ne fût épargné. Pour les personnages, les souvenirs qu’ils nous racontent sont encore tellement forts, tellement horribles et traumatisant qu’ils semblent dater d’hier.

Certains passages sont véritablement éprouvant à la lecture. Qu’on parle des scènes de meurtre, de viol, de torture, d’autopsie. Tout est décrit avec une froideur totalement glaçante. En lecture intensive, pendant trois jours, je ne vous cache pas que j’ai fais quelques cauchemars un peu sanglant. Ça m’arrive très rarement. Il m’en faut beaucoup pour qu’une lecture m’impressionne et me marque autant. Là c’était vraiment le cas.

Il détesta se l’avouer, mais Radiche avait obtenu de cette raclure, en quelques minutes seulement, plus que quatre-vingt-seize heures d’interrogatoire et trois ans de taule ne lui en auraient jamais appris.

En bref

Avec Le Manufacturier, Mattias Köping vient de s’élever sur mon podium des auteurs dont je ne louperai plus aucune sortie. Thriller haletant, incisif, violent mais également instructif, ce roman ne vous laissera pas indemne. C’est un livre qui marque, qu’on oublie pas. Une histoire et des personnages qui resteront gravés dans un coin de votre tête à tout jamais. C’est grâce à des romans comme celui-ci que j’aime autant la lecture. Quand on a parfois l’impression que peu de choses peuvent encore nous surprendre, un livre un seul, vient vous percuter de plein fouet et vous rappelle que la lecture est le plus beau voyage qui soit. Même si ce voyage vous emmène dans les tréfonds de la noirceur humaine et dans les profondeurs des « égouts de l’Histoire ». Alors, je dégaine donc pour la première fois sur ce blog le tampon : Coup de cœur !