Roman

Le manuscrit inachevé de Franck Thilliez

Bon… Ça ne va pas être facile de chroniquer ce roman et je pense que je ne vais pas me faire que des amis au passage. Un an après sa sortie, j’ai sauté le pas pour me plonger dans Le manuscrit inachevé, roman one-shot de Franck Thilliez. Ce roman ne fait pas partie de la saga Sharko-Hennebelle et peut donc se lire de manière totalement indépendante. Honnêtement, je crois n’avoir lu quasiment que des avis dithyrambiques sur ce livre. Alors je suis partie confiante… mais…

4ème de couverture

Aux alentours de Grenoble, une voiture finit sa trajectoire dans un ravin après une course-poursuite avec la douane. Dans le coffre, le corps d’une femme. A la station-service où a été vu le conducteur pour la dernière fois, la vidéosurveillance est claire : l’homme n’est pas le propriétaire du véhicule. 

Léane Morgan et Enaël Miraure sont une seule et même personne. L’institutrice reconvertie en reine du thriller a toujours tenu sa vie privée secrète. Sa vie ? Un mariage dont il ne reste rien sauf un lieu, L’Inspirante, villa posée au bord des dunes de la Côte d’Opale, et le traumatisme de l’enlèvement de sa fille Sarah. L’agression soudaine de son mari va faire resurgir le pire des quatre années écoulées. 

Dans le vent, le sable et le brouillard, une question parmi d’autres se pose : vers qui, vers quoi se tourner, quand l’unique vérité est que tout vous devient étranger ?

L’équation aux multiples inconnues

On va commencer, sans spoiler, par dégrossir un peu cette 4ème de couverture énigmatique. D’un côté, nous sommes parachutés à Grenoble, à la brigade criminelle, pour rencontrer un duo d’enquêteurs un peu particulier : les V&V comme les appellent leurs collègues. Vic et Vadim. Le premier, possède un don d’hypermnésie, ce qui signifie qu’il retient absolument tout ce qu’il lit, ce qu’il voit, ce qu’il entend. Pratique dans le boulot de flic, mais invivable au quotidien. Les deux policiers vont se retrouver propulsés sur une enquête bien complexe à quelques jours de Noël. Dans le coffre d’une voiture récemment volée, ils font la découverte d’un corps sans mains au visage écorché. Une paire de mains se trouve également bien emballée à côté du corps. Qui est cette femme ? Est-ce que ce sont ses mains ? Pourquoi une telle mise en scène ? Comme tout thriller classique l’enquête se met en place et la course contre la montre débute pour arrêter ce tueur fou.

Deuxième trame, direction la côte d’Opale, à plusieurs centaines de kilomètres, pour rencontrer Léane Morgan, auteure de thrillers policiers sanglants, publiés sous le pseudonyme masculin d’Enaël Miraure. Léane et son mari survivent tant bien que mal depuis 4 ans, quand Sarah, leur fille de 17 ans a disparu un soir en revenant de son jogging. Un violeur en série a été arrêté et a reconnu le meurtre, mais il n’a jamais daigné révéler où était enterré le corps. Alors, l’espoir perdure. Quand le mari de Léane, qui enquêtait officieusement sur la disparition de sa fille, est violemment agressé, les doutes et les questions refont surface.

Deux intrigues, deux trajectoires qui vous vous en doutez sont vouées à se percuter au fil des pages et des chapitres. Les enquêtes parallèles sont palpitantes. Les personnages, bien qu’un peu caricaturaux sont relativement intéressants. Pour le coup on peut vraiment parler d’un page-turner. Chaque fin de chapitre se termine invariablement sur une phrase pleine de suspens qui nous oblige à poursuivre la lecture.

Echec et mat

Dès le prologue, l’auteur nous fait comprendre que tout le roman sera un immense jeu d’énigmes auquel, nous, lecteur, nous sommes amenés à participer. Des indices seront disséminés tout au long du récit. Il faudra parfois décoder certains passages, ou prêter attention à certains mots bien précis. J’ai beaucoup aimé cette idée, d’énigme à résoudre avant la fin, cette course contre la montre en parallèle de celle des enquêteurs. Franck Thilliez nous délivre un immense jeu de pistes, une longue partie d’échec et tout un travail sur l’univers de Sherlock Holmes, de la littérature policière et du travail d’auteur en général. Nous n’avons pas moins de 5 auteurs mis en abîme dans ce roman. Un auteur qui écrit sur un auteur qui écrit sur un auteur, etc, etc.

L’auteur multiplie les pistes, les fausses, les vraies, à nous de tenter de démêler ce sac de nœuds. J’ai joué le jeu et vers la page 50, j’ai pensé : « bon j’espère que la fin ne sera pas celle à laquelle je pense »… Presque 600 pages plus loin, samedi soir à 23h50, j’ai lâché un « putain sérieusement j’y crois pas ». J’avais eu raison… Si je reconnais le travail immense qu’a fourni l’auteur pour l’écriture de ce roman, je ne peux m’empêcher d’être déçue par cette fin. J’ai un affreux sentiment de « tout ça pour ça ». Mais ce type d’appréciation est différente pour chacun et purement subjective. Peut-être que pour vous le ressenti sera tout autre. Moi, ça n’est pas passé.


Un roman est un jeu d’illusions, tout est aussi vrai que faux, et l’histoire ne commence à exister qu’au moment où vous la lisez.

En bref

L’appréciation des fins de roman est un sujet très controversé. Certains diront que le dénouement n’est finalement que peu important au regard de l’intégralité du livre. Pour moi, surtout dans le cadre d’un polar, c’est un élément auquel j’accorde énormément d’importance. Si Le manuscrit inachevé est d’une qualité indéniable dans sa trame, sa complexité, son écriture, sa fin me laisse un amer sentiment… d’inachevé ou plutôt de facilité. A l’image du reste de l’histoire, j’aurais aimé un dénouement original, indiscernable et percutant.

Comme toujours, mon avis est purement personnel et si vous n’avez pas lu ce livre, je vous encourage vivement à vous faire votre propre avis car il demeure un très bon thriller policier, original dans sa mise en place et ses différents degrés de lectures.