sinestra
Roman

Sinestra d’Armelle Carbonel

Je continue ma boulimie littéraire avec les thrillers des éditions Ring. Pour cette nouvelle lecture, j’ai jeté mon dévolu sur Sinestra d’Armelle Carbonel. Une promesse de huit-clos dans un refuge de montagne angoissant. Il ne m’en fallait pas plus pour sauter le pas vers cette lecture.

4ème de couverture

Suisse. 1942. 
Le Val Sinestra, refuge isolé au cœur de la vallée des Grisons entouré de monumentales montagnes, accueille un convoi de réfugiés fuyant les horreurs de la guerre. Des mères brisées au bras de leur progéniture, des orphelins meurtris et atteints de désordres psychiques. Mais là où ils croyaient avoir trouvé la paix, les résidents vont réaliser que le mal a franchi la frontière avec eux.

Surnommée la  » nécromancière « , Armelle Carbonel est avec son style viscéral et son extrême maîtrise du suspense en huis clos, l’une des voix les plus captivantes du thriller contemporain. Récompensée à onze reprises, experte en manipulation et rebondissements, la nouvelle référence française du thriller psychologique entraîne le lecteur au cœur d’une véritable symphonie paranoïaque, dont l’intensité suscite une angoisse quasi inédite dans le monde du thriller.

Perdu dans les montagnes

Val Sinestra. Rien que le nom du lieu devrait déjà vous arracher quelques frissons. Armelle Carbonel nous emmène en Suisse, dans la vallée des Grisons. En pleine seconde guerre mondiale, ce refuge coupé du monde accueille des familles brisées. Orphelins, femmes et enfants, vieillards en fin de vie. Tous pensent venir au Val pour retrouver la joie et le calme loin des armes et de la mort.

Dès les premières pages du livre, une sensation d’oppression m’a envahie et ne m’a pas lâchée de toute ma lecture. Le Val Sinestra est bien plus qu’un refuge. Il se définit lui même comme le Mal Sinestra. Un lieu sombre, brumeux, loin des regards, où les pires atrocités semblent se mouvoir dans le secret le plus total.

Quand la dernière « cargaison » de réfugiés arrive dans la vallée des Grisons, les ressentis des enfants, m’ont transpercés au travers des pages. Ces âmes innocentes fuyant les horreurs de la guerre se retrouvent au pied d’un hôtel lugubre qui leur promet la renaissance et pourtant… Le ton du maître des lieux sonne faux et il m’a donné un sentiment de malaise dès les premiers chapitres. Le Val et ses propriétaires transpirent le mal et le vice.

J’ai été en apnée pendant les 400 pages du livre. J’évoluais au côté des personnages dans les couloirs sombres de l’hôtel guettant l’horreur à chaque ligne. L’auteure nous offre une ambiance exceptionnelle, qui vous prend aux tripes. La majorité du roman se déroule dans l’enceinte des murs du Val et le huit-clos renforce cette sensation d’oppression. Pourtant, on est ici très loin d’un thriller gore et sanglant même si la violence est partout, presque invisible et aux aguets. Loin des champs de bataille, le refuge semble avoir absorbé dans ses pierres les pires atrocités de la guerre : l’antisémitisme, l’homophobie, les expériences médicales, les viols et la mort. C’est un concentré historique que nous livre l’auteur au travers de ce thriller sans défaut.

Une écriture magistrale

Le livre est découpé en chapitres assez courts. Ces derniers se focalisent à chaque fois sur un personnage du roman. La structure du récit est totalement hypnotisante et on en redemande à chaque fin de chapitre. Chaque personnage apporte sa touche à l’histoire, sa propre personnalité, innocente ou machiavélique. Le personnage le plus intriguant s’avère être le Val Sinestra lui-même. Au détour de certains chapitres, le refuge prend ainsi la place du narrateur. Il se positionne comme un personnage à part entière qui vit et ressent ce qui se passe entre ses murs. C’est à la fois perturbant et diaboliquement intelligent. La personnification de l’hôtel renforce le caractère sombre et oppressant du lieu. Comme s’il gardait captif ses pensionnaires dans ses entrailles. Ces chapitres, d’une pertinence sans faille, m’ont à chaque fois, procuré une impression étrange et malsaine.

La style d’écriture est également une des qualités majeures de ce roman. Ici, l’auteure utilise une écriture travaillée et pointue. On parle de grande littérature, d’un vocabulaire riche et de figures de styles maîtrisées. Une plume soignée, réfléchie, au style presque ancien par moment, qui vient renforcer le contexte historique de l’intrigue.

Elle se figura un paradis rempli de rires, de réglisses fondantes et de pommes d’amour, jusqu’à ce que l’haleine démoniaque du Val Sinestra effleurât sa nuque délicate tel un tisonnier labourant les cendres de l’innocence perdue.

Alors, Ana sut que maman s’était trompée.

Le Mal ne connaissait pas de frontière.

Il était la frontière.

En bref

Sinestra est une véritable bombe littéraire. Un sans faute tant sur la forme que sur le fond. Cette sensation de poids dans ma poitrine ne m’a lâchée qu’une fois la dernière page tournée. L’oppression est constante tout au long du récit, jusqu’au final qui vous arrachera les dernières bouffées d’air de vos poumons. J’ai vécu cette histoire, j’étais au Val, prisonnière des pages comme les personnages l’étaient entre les murs du refuge. Et quel plaisir que de lire un thriller avec un style si travaillé. Je vais m’empresser de lire les autres romans d’Armelle Carbonel. Un énorme coup de coeur !