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Roman

Dans son silence d’Alex Michaelides

Quelle claque ! Non mais quelle claque ! Oui, oui, pas besoin de tergiverser je vous donne mon ressenti dès l’introduction de cette chronique. Je pèse mes mots mais clairement je pense n’avoir jamais lu de thriller psychologique aussi travaillé ces dernières années. Oubliez tout ce que vous connaissez dans ce registre de littérature noire et laissez-moi vous convaincre de plonger dans l’histoire de ce roman fabuleux.

4ème de couverture

Alice, jeune peintre britannique en vogue, vit dans une superbe maison près de Londres avec Gabriel, photographe de mode. Quand elle est retrouvée chez elle, hagarde et recouverte de sang devant son mari, assassiné, la presse s’enflamme. Aussitôt arrêtée, Alice ne prononce plus jamais le moindre mot, même au tribunal. Elle est jugée mentalement irresponsable et envoyée dans une clinique psychiatrique.

Six ans plus tard, le docteur Theo Faber, ambitieux psychothérapeute, n’a qu’une obsession : parvenir à faire reparler Alice. Quand une place se libère dans la clinique où elle est internée, il réussit à s’y faire embaucher, et entame avec elle une série de face-à-face glaçants dans l’espoir de lui extirper un mot. Et alors qu’il commence à perdre espoir, Alice s’anime soudain. Mais sa réaction est tout sauf ce à quoi il s’attendait…

Au coeur de la psyché

Jamais le terme de thriller psychologique n’aura aussi bien porté son nom. On pourrait même dire qu’il s’agit d’un thriller psychanalytique. Nous allons suivre Theo Faber, un jeune homme devenu psychothérapeute pour une raison peu commune : celle de se soigner lui-même afin d’éviter de devenir fou suite à une enfance teintée par la violence de son père. Mais cette raison assez inhabituelle de choix de carrière n’en fait pas moins un excellent thérapeute, faisant preuve d’une immense empathie pour ses patients.

Theo est passionné par une affaire criminelle qui prend racine des années plus tôt. Alicia Berenson était une peintre au sommet de son art quand sa vie a basculé brusquement. Un soir, la police la découvre hagarde dans sa maison, couverte de sang, son mari gisant au sol, la tête pulvérisée par 5 balles de pistolet. Uniquement ses empreintes seront retrouvées sur l’arme. Depuis ce jour, 6 ans plus tôt, Alicia s’est muée dans le silence le plus total. Même lors de son procès, elle ne s’est pas défendue, n’a jamais plus émis le moindre son. Depuis 6 ans, son silence l’accompagne en hôpital psychiatrique.

Quand une place se libère dans cet hôpital, Theo n’hésite pas et postule immédiatement. Il devient ainsi le thérapeute d’Alicia avec pour seul et unique désir celui de lui rendre la parole et de faire la lumière sur ce qui s’est passé ce terrible soir.

Une allégorie de la tragédie grecque

De part son sous-texte, ce roman aurait clairement pu figurer au programme d’un de mes cours de littérature ultra-contemporaine à la fac. Rassurez-vous je ne vais pas me lancer dans une dissertation littéraire mais seulement vous expliquer pourquoi ce texte est d’une telle profondeur.

Tout au long du récit, l’auteur nous distille des éléments propres au registre des tragédies grecques. Tant sur la forme que sur le fond. Dès le début du livre, nous apprenons qu’Alicia, le lendemain du drame, a peint une toile qu’elle a elle-même nommé « L’Alceste« . Alceste est l’héroïne d’une tragédie grecque. Une héroïne qui meurt, faisant le choix de se sacrifier pour son sauver la vie de son mari. Elle reviendra du royaume des Enfers vivante, mais muette. Vous le voyez déjà le gros parallèle ?

Il y a tellement de métaphores, tellement d’allusions tantôt franches, tantôt discrètes à cette thématique littéraire, qu’il est impossible de ne pas voir ce sous-texte magistralement mis en place. Alison elle-même pourrait être assimilée à une statue grecque. Une femme de marbre, blanche, immobile, silencieuse, mais ayant tant de choses à nous raconter, tant d’histoires à nous livrer.

La plume de l’auteur est tout simplement sublime, fine, fluide, percutante, presque poétique. Certains passages m’ont véritablement émue, ont fait écho à mes propres expériences, ma propre vie. Pourtant ce n’est pas le propre de la littérature noire. C’est pourquoi, même si ce roman est un thriller, il ne l’est pour moi pas totalement. Par nombre d’aspects, il emprunte beaucoup à la littérature blanche et le résultat est tout simplement splendide.

Et le dénouement dans tout ça ? A l’image de l’entièreté du roman. Imprévisible, inimaginable, tragique. Je n’en dirai pas plus…

Il est étrange de découvrir la vitesse à laquelle on s’adapte à l’univers étrange d’un service psychiatrique. On se familiarise avec la folie. Et pas seulement celle avec des autres, avec la sienne aussi. Nous sommes tous fous, je crois, d’une certaine façon.

En bref

Quel immense coup de cœur. Quel talent de la part de cet auteur britannique pour un premier roman. Je ne trouve rien à redire. Aucune fausse note, aucun élément superflu. Tout est juste, orchestré à la perfection. Le rythme de l’histoire est fluide et captivant. Chaque mot, chaque phrase, chaque émotion sont pesés et écrits avec une justesse époustouflante. Un sans-faute de la première à la dernière page.

Un thriller psychologique oui. Une tragédie grecque du monde moderne probablement. Je vous laisse vous faire votre propre avis.

coupdecoeur