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Roman

L’homme craie de C.J Tudor, un premier roman réussi

Sorti en janvier 2018, L’ Homme craie publié quez Pygmalion est le premier roman d’une auteur britannique : C.J Tudor. Alors, « dog-sitter » professionnelle, elle a eu l’idée de ce thriller lorsqu’on a offert à sa fille pour ses deux ans un grand sceau rempli de craies multicolores.

4ème de couverture

Les enfants ne sont pas toujours innocents…
Le problème, c’est que nous n’étions pas d’accord sur la manière dont ça avait commencé.
Était-ce lorsqu’on s’était mis à dessiner les bonhommes à la craie, ou lorsqu’ils sont apparus tout seuls ?
Était-ce à partir du terrible accident ? Ou quand ils ont découvert le premier corps ?

Souviens-toi l’été 86

L’histoire suit une bande de 4 potes d’une dizaine d’années, qui se retrouvent, à l’été 1986, confrontés au meurtre horrible d’une jeune adolescente retrouvée démembrée dans les bois. Si ce meurtre à lui seul est déjà bien assez atroce, c’est sans compter les étranges bonhommes dessinés à la craie qui apparaissent un peu partout. Un climat de peur plane sur la ville et les secrets de chacun ont leur importance.

Le roman est écrit à la première personne. La seule et unique voix de l’histoire est celle d’Eddie un des 4 gamins de la bande. Certains apprécieront ce choix narratif d’autres peut être moins. C’est parti pris que j’ai personnellement beaucoup apprécié. Il est parfois intéressant de suivre une histoire avec un narrateur qui n’est pas omniscient et qui va se retrouver limité dans sa compréhension des événements du fait de son âge ou de sa relation aux adultes. Cela donne un côté réel, humain. De même lorsque ce narrateur est devenu adulte, il est intéressant de l’entendre nous raconter ce qu’il est devenu et comment les aventures de son enfance ont forgé sa vie d’homme.

En effet, le roman alterne entre deux lignes temporelles. La première est celle de l’été 1986, où les enfants vont passer les vacances les plus éprouvantes de leur vie. Tout commencera par un tragique accident de fête foraine, avant que la ville ne plonge doucement dans l’horreur. La seconde temporalité se place 30 ans plus tard en 2016. Eddie vit toujours à Anderbury, la ville de son enfance où il est professeur d’anglais. Célibataire, vivant en colocation avec une jeune gothique complètement loufoque, il va recevoir un matin une lettre sans aucun mot, juste un bonhomme dessiné en bâtonnets avec un nœud coulant autour du cou et un petit morceau de craie blanche au fond de l’enveloppe. C’est cette élément déclencheur qui le fera replonger dans l’horreur de ses souvenirs. Peut-être que le jeu de l’Homme craie n’est pas complètement terminé…

L’alternance des deux époques est assez bien employée et nous apporte progressivement les réponses que l’on attend. D’abord au travers des souvenirs d’enfance, puis grâce à la relecture du narrateur devenu adulte. Bien évidemment les chapitres alternant d’une époque à l’autre, les dernières lignes sont toujours le lieu d’un cliffhanger qui nous amène à tourner la page. Mais tout cela est subtilement dosé et la lecture se passe sans ennui ni lassitude.

Un petit goût de Ça

Si vous avez lu la pièce maîtresse de l’oeuvre de Stephen King, vous ne pourrez faire abstraction de certaines similitudes avec Ça. La bande de gamins qui affronte l’horreur un été puis se rassemble 30 ans plus tard pour obtenir des réponses. La bande de brutes qui les brutalisent pendant l’été, jusqu’à « la bataille de cailloux ». On retrouve beaucoup d’élément qui nous rappellent fortement la petite bande de la ville de Derry. Jusqu’à la composition de l’équipe : le petit gros blagueur, le garçon un peu cynique, la petite fille garçon-manqué battue par son père. J’avoue que ces ressemblances m’ont parfois un peu dérangé. La limite est parfois fine en l’hommage, l’inspiration et la copie. Je préfère, je pense, y voir une grande inspiration. Mais heureusement qu’un clown n’est pas sorti des égoûts !

Ce qui m’a finalement complètement décidé à rendre une critique positive de ce roman, ce sont les thématiques sous-jacentes abordées. Des sujets de sociétés très retentissant aujourd’hui. L’acceptation de la différence au travers du personnage de M. Halloran, le nouvel enseignant albinos du collège, jugé coupable et peu fréquentable avant même d’avoir bougé l’oreille. Le combat d’une mère, directrice d’une clinique qui pratique l’IVG et qui se heurte à la haine et à l’obscurantisme d’un groupe de croyants aveuglés par les paroles d’un pasteur. Et enfin, la douloureuse expérience que de vivre avec un proche atteint d’Alzheimer. Cette dernière thématique semble planer sur tout le roman. Comme si le narrateur s’empressait de coucher tous ses souvenirs sur papier, comme s’il avait peur lui aussi, comme son père, de perdre ce qu’il aimait le plus : ses mots.

« Je me suis retourné. L’Homme pâle me considérait de toute sa hauteur. Ce n’est qu’à cet instant que je me suis rendu compte que son visage, sous le chapeau à larges bords, était aussi blanc que sa chemise. »

En bref

L’homme craie est un très bon thriller duquel vous aurez du mal à lever les yeux. Si j’ai trouvé la fin quelque peu rapide, le livre n’en demeure pas moins un excellent premier roman qui au travers la « simple » histoire d’un meurtre sordide dans une petite ville, aborde des sujets de sociétés très actuels. La narration à la première personne est également un point fort du livre et on se sent projeté au côté de la petite bande de potes qu’on se prend à découvrir et à apprécier, chacun avec leur personnalité. Je suivrais cette auteure de prêt dans les années à venir.