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Roman

Simetierre de Stephen King

Il y a des livres qui vous marquent au fer rouge. Que vous les lisiez à 12, 30 ou 50 ans, je pense que l’effet est le même. Dans le cas des romans de Stephen King, et plus particulièrement de Simetierre, c’est une peur malsaine qui vous tiendra au corps pendant votre lecture mais aussi bien longtemps après.

4ème de couverture

Louis Creed, un jeune médecin de Chicago, emménage avec sa famille à Ludlow, petite bourgade du Maine. Leur voisin, le vieux Jud Crandall, les emmène visiter le pittoresque « simetierre » où des générations d’enfants ont enterré leurs animaux familiers. Mais, au-delà de ce « simetierre », tout au fond de la forêt, se trouvent les terres sacrées des Indiens, lieu interdit qui séduit pourtant par ses monstrueuses promesses. Un drame atroce va bientôt déchirer l’existence des Creed, et l’on se trouve happé dans un suspense cauchemardesque.

Une peur brute et viscérale

Quand j’ai lu ce roman pour la première fois, j’avais 12 ans. 17 ans plus tard certains passages étaient toujours ancrés profondément dans ma mémoire mais j’avais envie de le redécouvrir avec un regard d’adulte. Dès le début de cette relecture, connaissant la fin, j’ai été frappée de voir à quel point Stephen King distille au fil des lignes des alertes sur l’horreur qui se prépare. Tout est fait de sorte à installer très rapidement chez le lecteur un sentiment de malaise, de peur indéfinie mais bien présente.

La ville de Ludlow semble être enfermée dans une bulle nauséabonde de secrets ancestraux innommables, imprégnés de magie noire. Louis, peu de temps après son arrivée, sent que quelque chose a pris possession des lieux. Des sentiments de terreur l’assaillent sans aucune raison. Comme des signaux d’alerte lui donnant un avant goût des drames qui planent sur sa famille. Pourtant sa femme Rachel, sa fille de 5 ans Ellie et Gage son petit dernier de 2 ans se portent comme des charmes dans cette nouvelle maison. Mais en visitant ce gentil « simetierre » des animaux, Louis sentira qu’une force se cache par delà ce monticule d’arbres qui barre le sentier. La promesse des horreurs à venir.

Simetierre joue sur différentes terreurs mais c’est autour de la thématique de la mort que se focalise l’auteur. La mort est le centre de ce roman. Elle terrorise les uns, fascine les autres ou bien est une finalité inéluctable pour de vieux sages. Mais comme dirait ce bon vieux Jud Crandall, « il y a des états bien pires que la mort »…

Quand les légendes deviennent réalité

La maison des Creed est en bordure d’une route extrêmement dangereuse empruntée à longueur de journées par d’énormes camions de transport. Tout de suite, on comprend que cette bande de bitume sera synonyme de mort dans les pages à venir. Le premier à en faire les frais n’est autre que Church, le chat de la famille mais surtout de la petite fille ainée, Ellie. C’est ainsi que le premier deuil survient dans la famille. C’est aussi la première décision tragique que prendra Louis. La première d’une très longue liste.

Ne voulant pas briser le coeur de sa fille en lui annonçant la mort de son animal, il se laisse entrainer par son vieux voisin au plus profond de la forêt, sur le territoire des Indiens Micmacs. Cette terre sacrée est à la fois crainte et vénérée depuis des siècles. Source de magie mais aussi de terreur. On dit que la terre a tourné, souillée et pervertie par le Wendigo qui rôde dans la forêt, par les voix qui susurrent des paroles sombres entre les arbres.

Mais Louis, ne le sait pas encore. Alors suivant les conseils de Jud, il enterre le chat de sa fille, dans cet autre « simetierre », au coeur de la forêt. C’est le lendemain, quand il voit arriver Church, la démarche pataude, qu’il saisit la conséquence de ses actes de la nuit passée. Son chat est revenu d’entre les morts, mais la lueur dans ses yeux et son attitude montrent qu’il n’est plus tout à fait le même. Il est revenu changé, différent, chargé d’un Mal indéfinissable… Mais quand un autre drame s’abat sur la famille Creed, Louis va se trouver face au plus effroyable dilemme de sa vie.

Les limites de la morale

Comment nommer l’innommable ? Comme oser ne serait-ce qu’y penser ? Cela fait partie des questionnements que pose le roman. Face à la perte tragique d’un être cher, que vous aimez plus que tout au monde, jusqu’où seriez prêt à aller pour le revoir à nouveau ? Ici Stephen King, met son personnage principal face à un choix terrible : celui de se prendre pour Dieu, de faire fi de la mort. Mais de tels actes laissent des traces terribles et impliquent des conséquences au-delà de l’imaginable.

Au même rythme qui Louis, le lecteur va s’enfoncer dans la peine, le deuil, puis petit à petit, vers l’obscurité, la folie et l’horreur. La plus grande question qui ressort de cette lecture est certainement : « à sa place qu’est ce que j’aurais fait ? Si j’avais ce pouvoir immense de défier la mort à portée de main, si j’en connaissais les conséquences maléfiques, est-ce que j’aurais franchi cette ligne ? ». Moi, honnêtement, je ne sais pas…

On a probablement tort de penser qu’il peut y avoir une limite à l’horreur que peut éprouver l’esprit humain. Au contraire, il semble qu’à mesure que l’on s’enfonce plus profondément dans les ténèbres de l’épouvante, une espèce d’effet exponentiel entre en jeu.

En bref

Simetierre est sans aucun doute sur le podium des romans qui ont marqué ma vie de lectrice. Ce n’est pas une histoire d’horreur comme les autres. Stephen King possède ce don exceptionnel de semer le doute dans notre esprit, d’effacer subtilement, progressivement les limites du rationnel pour nous faire sombrer dans l’horreur la plus malsaine qui puisse exister. Simetierre est un roman effrayant, paralysant, tant dans son sujet de fond que dans les évènements qui y sont racontés. Chaque détail est méthodiquement choisi pour instaurer une pesanteur malsaine, maléfique qui nous donne l’appréhension du pire à chaque nouvelle page. C’est une lecture qui ne laisse pas indemne. C’est une lecture qui marque et vous suit durant des jours, des mois, des années. Quand une histoire est si forte, qu’elle bouscule si violemment les limites du concevable et de l’horreur, elle ne s’oublie jamais et vous revient toujours en tête un jour ou une nuit… sans pour qu’on sache vraiment pourquoi ce souvenir refait surface…